La gestion de la phosphorémie
Lisa Zhu, RPh
Dans les lignes qui suivent, nous décrirons le phosphore et son rôle dans l’organisme, puis nous verrons les raisons et les conséquences d’un taux sanguin trop élevé de ce minéral (hyperphosphorémie) chez les personnes atteintes d’une maladie rénale et ce que l’on peut faire pour mieux maîtriser le taux de phosphore.
Qu’est-ce que le phosphore?
Le phosphore est un minéral important pour l’organisme, notamment parce qu’il contribue à la santé des os et des dents. Il aide aussi les muscles à travailler et contribue à produire de l’énergie à partir des aliments consommés1,2. Le phosphore provient en grande partie de l’alimentation; il est présent naturellement dans les aliments riches en protéines comme la viande, la volaille, les noix, les haricots et les produits laitiers.
En quoi le phosphore, le calcium et la parathormone sont-ils liés?
Le phosphore et le calcium sont tous deux essentiels à la formation d’os et de dents solides. Des reins en bonne santé travaillent de façon à équilibrer ces deux minéraux dans le sang. Une hormone appelée parathormone – souvent appelée « PTH » – permet aussi d’équilibrer les taux sanguins de calcium et de phosphore. La PTH est produite par quatre petites glandes – les glandes parathyroïdes – situées dans le cou. Plus précisément, ces glandes libèrent de la PTH en présence d’un faible taux de calcium ou d’un taux élevé de phosphore. La PTH permet à l’organisme de mieux absorber le calcium présent dans l’intestin et d’extraire le calcium des os1.
Pourquoi le taux de phosphore est-il élevé chez certaines personnes atteintes d’une maladie rénale?
Les reins contribuent étroitement à la maîtrise de la phosphorémie. Tout excédent de phosphore est principalement excrété par les reins. Si vous souffrez d’une maladie rénale, cependant, vos reins ne sont peut-être pas capables d’excréter le phosphore aussi efficacement que le feraient des reins en bonne santé, si bien que le phosphore s’accumule dans le sang1.
Quel est le danger associé à un excédent de phosphore?
Certes, le phosphore est un minéral important, mais une hyperphosphorémie peut entraîner des problèmes, comme des démangeaisons. En présence d’un taux excessif de phosphore, l’organisme produit plus de PTH et extrait plus de calcium, ce qui affaiblit les os. Un excédent de phosphore peut aussi endommager le cœur et les vaisseaux sanguins1,2.
Quel est le taux cible de phosphore?
Chez un adulte sain, la phosphorémie varie normalement entre 0,8 et 1,45 mmol/L. En présence d’une maladie rénale, le taux variera selon le stade de la maladie. Demandez à votre équipe soignante quel est le vôtre.
Que peut-on faire pour abaisser le taux de phosphore?
Il y a somme toute deux moyens d’abaisser le taux sanguin de phosphore : d’abord, en modifiant son alimentation, puis en prenant des médicaments connus sous le nom de « chélateurs de phosphore ».
Alimentation
Une consommation restreinte d’aliments riches en phosphore est l’un des moyens les plus efficaces d’abaisser le taux de phosphore dans le sang. En général, il faut limiter sa consommation de produits laitiers comme le lait, le yogourt, la crème glacée et les poudings (en général, ½ à 1 tasse/jour3). La viande et la volaille contiennent aussi du phosphore, mais elles jouent un rôle important dans l’alimentation. Une diététiste professionnelle vous indiquera la portion de protéines qui vous convient à la lumière de vos besoins nutritionnels et du stade de votre maladie rénale.
Où se cache le phosphore?
On ajoute souvent du phosphore aux aliments pour en rehausser la saveur ou mieux les conserver. Le prêt-à-manger, les aliments précuisinés et les aliments transformés sont souvent riches en phosphore. De nombreuses boissons comme le cola sont aussi additionnées de phosphore. Jetez un coup d’œil sur la liste des ingrédients pour voir si le phosphore y figure; il faut toutefois être conscient du fait que le phosphore peut se cacher derrière des ingrédients qui contiennent le préfixe « phos », tels « l’acide phosphorique » et le « phosphate de sodium ». Il vaut toujours mieux choisir des aliments frais non transformés.
Votre diététiste professionnelle peut vous aider à choisir des aliments pauvres en phosphore.
Médicaments qui abaissent le taux de phosphore
La prise de médicaments permettant d’abaisser la phosphorémie doit souvent se greffer à un changement d’alimentation. Les chélateurs de phosphore sont des médicaments qui diminuent la quantité de phosphore absorbé par l’organisme à partir des aliments. Les chélateurs de phosphore sont comme des aimants : ils « se fixent » au phosphore présent dans les aliments pendant que ces derniers transitent dans l’estomac et le reste de l’appareil digestif, de sorte que la circulation sanguine reçoit moins de phosphore. Le phosphore fixé aux chélateurs est ensuite éliminé par l’intestin. Si certains chélateurs se présentent sous forme de préparations qu’il faut avaler, d’autres doivent être mâchées. Parmi les chélateurs de phosphore figurent le carbonate de calcium, l’acétate de calcium, le sévélamer et le lanthanum2. Votre professionnel de la santé peut vous aider à déterminer lequel de ces chélateurs vous convient le mieux.
Quelques conseils sur la prise de chélateurs de phosphore
Les chélateurs de phosphore doivent se prendre avec les repas ou les collations contenant du phosphore. Ils offrent une efficacité maximale lorsqu’on les prend dès la première bouchée du repas ou de la collation. Si vous omettez un repas ou une collation, vous n’avez pas besoin de prendre de chélateur de phosphore. Votre pharmacien(ne) et votre diététiste peuvent, de concert avec vous, déterminer quels sont les repas où vous devriez prendre un chélateur de phosphore.
Il n’est pas toujours évident d’adopter l’habitude de prendre son chélateur systématiquement. Il pourrait donc être utile de garder vos comprimés de chélateur de phosphore à proximité de la table où vous prenez vos repas en temps normal. Si vous mangez souvent à l’extérieur, peut-être auriez-vous intérêt à toujours emporter un flacon de comprimés avec vous de façon à toujours en avoir à portée de la main lorsque vous ne mangez pas chez vous. Il peut aussi être utile de demander à un membre de la famille ou à un ami vous rappeler de prendre votre chélateur lorsque vous mangez ensemble.
En résumé, il est fréquent que les personnes atteintes d’une maladie rénale présentent une hyperphosphorémie. La modification de votre alimentation et la prise de chélateurs de phosphore sont deux mesures importantes que vous pouvez adopter pour l’abaisser. Si vous avez la moindre question à ce sujet, adressez-vous à une diététiste professionnelle, à votre pharmacien(ne), à votre médecin ou à un autre membre de l’équipe soignante.
Référence(s)
1. Kidney Disease: Improving Global Outcomes (KDIGO) CKD-MBD Work Group. KDIGO clinical practice guidelines for the diagnosis, evaluation, prevention, and treatment of chronic kidney disease-mineral and bone disorder (CKD-MBD). Kidney International 2009;76(Suppl 133):S1-S130.
2. Hudson JQ. Chapitre 53 : Chronic Kidney Disease: Management of Complications. In: DiPiro JT, Talbert RL, Yee GC, Matzke GR, Wells BG, Posey LM. Pharmacotherapy: A Pathophysiologic Approach (8e éd). Toronto: McGraw-Hill;2014. p. 787-816.
3. Réseau rénal de l’Ontario. Chronic Kidney Disease Nutrition Fact Sheets: Phosphorous (phosphate) [Internet]. [cité le 22 août 2016]. Adresse : http://www.renalnetwork.on.ca/common/pages/UserFile.aspx?fileId=266400
*Lisa Zhu est pharmacienne clinicienne spécialisée en néphrologie au Sunnybrook Health Sciences Centre, à Toronto, en Ontario.